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Troisième sexe sur Cannes.

Mes mille et une vies.

Tout est parfaitement rangé, organisé et sans fissures, ce qui me fait dire que je dois être coincée dans une structure très administrative. Les meubles sont très concentrés et leur représentation très légère. Sortis du bureau et des trois fauteuils, une simple armoire se poste derrière l'ensemble. Il faut dire qu'une grande vitre ouvre la largeur de la pièce en donnant sur le trottoir et les panneaux transparents en intérieur sont tout autant floutés afin de respecter un minimum de confidentialité. Tout est identifiable mais les détails sont quelque peu voilés comme une discrètion invisible qui serait connue de tous en définitive.

Devant moi il y a un homme qui s'exprime. Sa tenue reste conventionnelle même si elle s'associe à une plus détendue. Ses chaussures assurant une touche d'élégance, même si son jeans et une chemise de couleur vive sentent davantage les veilles de week end. Son apparence n'est en rien décalée à la décoration, seulement même s'il semble mener le débat il n'est là que en tant que simple visiteur.

Tout comme lui, des arguments et des mots sortent de ma bouche. Le sujet m'échappe à ces propos. Il y a un réel dialogue. Des convictions là aussi qui s'affirment, et une interactivité évidente dans les idées. Je parle moi aussi, la conversation est animée pareille à une affaire convenue ou une communication bien dynamisée.

Je suis dans ce corps mais j'en suis détachée. Spectatrice de ma représentation ou bien témoin d'autre chose que du contenu. Les deux que nous sommes s'évertuent à converser. Un entretien comme il doit y en avoir à chaque instant dans un contexte de vente ou de souscription. Les feuilles et les stylos sont de rares éléments, à l'identique des documents illustrant la situation. C'est aussi face à cette absence que je suis en mal de situer le débat, et il est probable en fait que tout ceci ne soit qu'un ordinaire prologue avant l'issue qui nous intéresse.

Soudain je me lève pour saisir un dossier qui se loge entre des similaires, dans le meuble dos à ma chaise. Tout aussi rapidement je réintégre mon espace et je redeviens subitement maîtresse de mes mouvements. Mon esprit retrouve ses sensations et une fois à sa place hume pleinement l'atmosphère des lieux. Sans pour autant situer davantage cette scène, ni le paysage plus en profondeur qui s'ouvre à moi maintenant debout. Tout devient plus clair, et même si je dispose de toutes mes articulations je ne fais que suivre l'élan originel. Ainsi, alors que le rideau métallique bute au terme de sa course, je ne relâche nullement son extrêmité à cet effet.

Puis les gestes se figent et les horloges se fixent. Le matériel ne bouge assurément pas, pas plus que celui que je viens de quitter ancré dans ses positions et dans sa condition d'acheteur.

Derrière il y a ses yeux. Un jugement voire une inspection. Parce que nous sommes seuls et que je ne souçonne aucune perturbation s'imposer. J'ignore s'il y en a d'autres, mais dans cette impasse que rend possible ce long couloir qui aboutit à mon bureau, je me retrouve bien isolée et soumise à la critique. A moins que ce tableau ne soit dans un objectif bien plus vicieux. Car mes deux globes peinent à distinguer au delà de leurs possibles, et de cette vision cachée je ne saurais rien dans cette brusque immobilisation.

Mais je le suppose. Je peux capter la liberté qu'il prend à cette allure. Une supposition plus qu'une crainte finalement.

Les chaussures brillantes sont une légèreté que je me suis autorisée, mais certainement rien par rapport aux couleurs qui sont plus haut. Avant d'y parvenir il laisse filer son attention sur mes jambes sculptées et si bien creusées. Elles disparaissent sous une jupe courte dont une dentelle recouvre totalement l'étendue. Le faible écartement des deux membres suppose une probable invitation surtout qu'en me relevant j'ai complètement occulté de rabaisser son épaisseur. Au dessus, le chemisier mauve satiné recouvre celle-ci; et même s'il est incité à déterminer à quel niveau se trouve la taille, la petite ceinture noire ponctue avec un charme stylé cette vaine recherche.

Ainsi, tout autant que je puisse l'imaginer me dévisager, je m'observe depuis son assise. Une auscultation très poussée, et pleine de séduction. Une architecture que nombre d'hommes rêverait de pouvoir contempler. Car le temps s'est arrêté pour bien faire. Comme pour laisser à chacun assez de minutes pour savourer le numéro d'une habituée. Une fantaisie sans retenue et sans pudeur, qui voudrait faire croire à une réserve frôlant la sagesse. Auréolée de délicatesse et peut être de politesse dans cette ambiance mesurée, mais en vérité moins que de malice assumé en de plus exposés domaines.

Discrètement les deux talons se distancent. Tel un désir qui commencerait par une nouvelle provocation.

Mes yeux se ferment et je ne sursaute presque pas quand ses paumes se posent sur mes hanches. Il ne les saisit pas, mais je peux reconnaître ses deux doigts qui serrent ma chair entre ma taille et la base de mon dos. Dans ce mouvement il délimite ma liberté mais surtout cette soumission qu'il pourrait m'imposer. Bien linèaire à mon corps et fermement collé à mon ignorance, je comprends très vite que ses convenances seront mes facultés. Ma ressource a été annexée par ce conciliateur devenu maître. Et malgré une prestation sécurisée puisqu'à domicile, me voilà disciplinée et obéissante à mon souverain que je ne saurais classer.

Un balancement s'opére et un pli se forme au centre de ma jupe. Comme un professeur s'évertuant à percer les capacités de sa subordonnée. Je perçois sa règle exigeante et n'acceptant aucun renoncement. Comme une matrice qui serait le meilleur choix pour des jours et des nuits de grande teneur. Il exerce sa marche sans changement de rythme, ou une formule bien aboutie et qu'il semble développer comme de coutume. Le tissu offre un maigre rempart à sa forme décidée, et ses premiers membres ne cessent de me signifier par leur pression que ma ligne est maintenant sa propriété.

Mes mains s'accrochent à l'étagère sans penser un seul instant que l'édifice pourrait sombrer. Et là soudainement le régime de l'instituteur augmente. Je sens parfaitement le volume de sa manière même si la grammaire m'est encore inconnue. La course ne manque pas de créer ce désir en moi. Son emprise avait déjà éveillé mon intention, mais le dangereux basculement s'accroissant une chaleur studieuse naît entre mes jambes. Une adoption chimique comme la clef d'un lac qu'on aurait irriguer.

Puis dans une réaction violente, mes chaussures si peu équilibrées tournent sur elles-mêmes. Et ouvrant succinctement les yeux, je constate que nos corps ont échangé leur place pour que ce soit moi qui brutalement domine le bureau. Toujours hissés de même, il n'a pas changé son espérance; elle est même devenue une impatience. Sa faim n'a pas dévié. Là derrière moi bien enfermé sous sa ceinture, je comprends que son bouillonnement ne tardera plus à émerger. Le pédagogue cultive d'abord son amabilité, mais dans cette leçon de séduction sa démangeaison aura encore le dessus. Comme tous les hommes dans leurs travers, ou tout du moins dans des usages bien à eux donc.

C'est dans ce bref relâchement que ses mains quittent mes abords. J'ai juste le temps de joindre le procédé à mon étonnement et immédiatement, alors que je réalise cette inespèrée facilité, un choc virulent m'oblige à basculer sur la table. Comprenant la continuité du manège, je ne prête pas attention à cette main qui m'astreind à demeurer le visage collé au mobilier en comprimant mon dos. Dans un second mouvement bien coordonné je devine l'autre qui longe ma cuisse pour saisir le bord de ma jupe et la relever précipitamment bien au dessus de mon relief. Un univers de fantasmes et de plaisirs envahit soudain mes perspectives, telle une nourriture qui se serait tellement faite désirée. Une satisfaction par la suggestion à promouvoir ce que j'ai de mieux, pour supposer une subordination très certainement voulue.

Ainsi dévouée et consentante j'oublie les douleurs et les paliers qui s'enchaînent en toute logique. Ne restent que les sensations. L'âpre agitation se transforme en vagues régulières, et leurs ondulations prennent fin pour chaque cycle dans une collision dont l'onde soulève mon visage. L'impression de résignation et de servilité, telle une entière fidélité de la disciple que je pourrais prétendre être. Une docilité comme un sacrifice caractérisé par les tons et la constitution, mais qui en réalité ne servent que les supputations insensées d'une furieuse. Des suppositions exaltées aux allures de propositions délirantes d'une obsédée. A moins qu'elles ne soient celles d'une passionnée.

L'air est devenu chaud. Haletant. L'avide et l'oppressé ont changé d'apparence. Et vue l'heure, le temps est venu de repousser les draps sans davantage de réjouissances.

Le pas comme souvent est affirmatif. Le cheminement franc et conscient de ses capacités. Même si la journée commence à peine, la technique est bien rodée et d'obstacles je ne remarque que des raisons à parcourir sans jamais faillir. Une notion commune aux deux, et qui ne disparaîtrait aucunement même si un des esprits devait s'éteindre.

Devant le miroir le réveil et la nature me rappellent que je suis un homme. Le contour des muscles bien structuré sans être volumineux sonne comme un avertissement à ne pas s'égarer dans cette vie. Tout comme la barbe naissante, ou encore cette menue ceinture construite et résolue. Et un peu plus en bas, ce souvenir volontaire d'une nuit remplie de confusions...

Mes mille et une vies.
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N
Chère Mathilde,<br /> tu m'impressionne toujours, je connaissais ta facilité à écrire mais là tu me bluffe, surtout continue <br /> Amicalement
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M
Merci Patrick. Il n'en demeure pas moins que cette vie est aussi pimentée.