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Mathildesud.over-blog.com

Troisième sexe sur Cannes.

Premier restaurant.

En dehors de mes voyages en voiture pour venir sur Marseille, jamais nous n'avions tenté si tôt dans la soirée. Je crois même que tout ceci était plus psychologique que matèriel en définitive, il était évident que l'essai devait être conclu immanquablement pour se trouver validé et officiellement jouable. Car sans en avoir l'air, la suite pouvait s'en trouver profondèment boulversée.

Ainsi, nous avions très formellement décidé de cette sortie sur Aix dans un restaurant et l'avions programmée en ce début d'année. Souvent repoussée, je ne sais plus pour quelles raisons mais certainement pas des plus concrêtes, il était enfin convenu de se lancer ce samedi soir. Même si notre premier choix ne pouvait aboutir, ce second nous affranchit bien plus qu'espèré.

En effet, La Rotonde avait été retenue, mais devant des travaux qui obligeaient à sa fermeture, nous nous dirigions alors sur le Bistro Romain son voisin. L'ambiance tamisée et impersonnelle des lieux avait favorisé le choix de Pascal afin que je puisse me mouvoir dans ces ombres le plus facilement du monde sans penser aux réactions. Seulement, connaissant bien le centre ville et son atmosphère, nous options alors pour cette dernière option sachant pertinemment que l'aspect intimiste serait effacé.

Sans hésitation, Pascal entre le premier dans la véranda. Il y a une succession de tables sur notre gauche et une dernière isolée qui me fait face quand je referme la porte derrière moi. Avant qu'il ne se retourne pour réitèrer la question de la chef de rang qui venait de l'interroger, je peux voir les trois occupants dont le père qui semble intrigué par ma personne. Recouverte par mon manteau ouvert et les cheveux tombant quelque peu sur mes joues, possible qu'il ait compris. Mais sans plus me torturer le cerveau, j'avance préfèrant une aisance affirmée, pour répondre à ma moitié que je sentais plus la salle que l'agrandissement à cette occasion.

Nous empruntons alors la salle dans sa largeur après que la jeune femme nous ait désigné une table de deux couverts bien centrée au milieu, avec une place sur la banquette. Au moment où nous évoluons entre les groupes de gens affairés autour de leur assiette, quelques têtes se dressent sur notre passage. Elles nous regardent comme elles regarderaient un mouvement à leur suite,  ou comme un son né bien au delà de la rue. Pas plus d'attention que ça, si ce ne sont les quelques yeux posés sur moi. Moi ou mes talons brillants, ou encore cette jupe longue du même éclat.

Avant de prendre place sur la banquette, j'abandonne mon par-dessus que je plie pour le poser sur l'assise à ma gauche. Mon sac vient finir son voyage en son sommet par la suite. Je m'assois le plus simplement du monde même si ce que je porte m'oblige à serrer les jambes et ainsi à remuer très au ralenti en fait. Puis, au moment où je commence à disposer la table à ma convenance, je me rends compte que tous ces gestes ont été les plus naturels et fluides qu'une femme pouvait reproduire dans un tel contexte. Sans me poser de questions, j'avais gardé le même rythme à l'intérieur que celui que je développais dans la rue.

Alors je dresse la tête. Face à moi Pascal me sourit. Peut être parce que je fais de même. Mais surtout, je remarque qu'à cette place je peux voir toute la salle par de légères inclinaisons de la tête. Et même juste par des mouvements d'yeux.

Oubliée l'ambiance tamisée. La lumière est celle du jour. Le restaurant est un assemblage de boiseries en meubles, de miroirs muraux, et de cuir sur les banquettes. Du velours rouge drape les chaises et une grande fresque au plafond annonce un ciel bleu parsemé d'anges bienveillants flirtant avec les nuages. Des moulages réguliers assurent la jonction entre les reflets et celle-ci, accentuant un peu plus le goût pointu des lieux comme leur style ancien. Rien ne laisse penser à une chaine de restaurants, il y avait certainement là un établissement très sélectif de sa clientèle dans des temps reculés. Et pas si reculés que ça d'ailleurs.

Une demie cloison coupe la grande pièce en son centre, avec en ses extrêmités deux anges bien réels eux, me tournant le dos. Probablement du bois ciré. Des tables carrées pour deux personnes s'affichent à l'unité, voire groupées pour faire des ensembles allant du binôme à six convives.

Je suis posée. Je prends le temps de me situer ainsi que mon ensemble. Et après avoir partiellement pensé l'instant, je m'isole dans ce que je sais professionnellement faire. Là où je dois exceller pour déjà pouvoir aligner ces phrases à cette seconde. La raison de cette plume, bien après ma raison tout court.

Je les vois. Je les détaille. Je les déhabille. Mais bien plus jouissif, je les sens.

Le fond n'a rien remarqué, pas plus que ceux qui viendront et partiront par la suite. Les regards levés à notre passage sont tout de suite retombés pour se concentrer sur leurs dires. Pas de mouvements déplacés, pas de voix maladroitement  élevées, il fait bon s'entendre car les nuisances ne font pas partie de ce décor ce soir. Je me décale un peu plus près et à peine derrière Pascal l'attention est aussi revenue à son précédent. Les têtes qui peuvent me faire face ou croiser mes yeux sont plus à s'incliner à leur fourchette qu'à me détailler. Il y a bien des attraits que je peux distinguer par ci et là, mais rien de très accentué pour me faire encore plus sourire.

Seule la table à notre gauche et celui qui me fait légèrement face lance un oeil intéressé. Je sais que le fixant il ne lui faudrait pas longtemps pour qu'il tombe amoureux de moi. Plus tard je m'entendrai dire que de celle à l'opposée de quatre personnes, les deux hommes là aussi placés devant moi jetaient des regards appuyés par moment. Leur conversation était déjà bien fleurissante pour que nous y participions d'une oreille, et au vu du physique de leur deux interlocutrices il était évident que je prenais des airs de rayon de soleil sous le ciel bleu, donc.

Peut être deux serveurs ou trois différents viennent à notre table nous renseigner. Il est sûr que tous ont remarqué. Mais l'amusement n'est plus là. La comèdie repose plus sur ce qu'il y a au delà. Et les presque deux heures qui suivent, j'analyse autant nos conversations que les gestes et expressions de nos voisins. Et lointains voisins.

Je reste moi-même. Nous sommes nous-mêmes. Nous vivons tout bonnement cette expérience comme nous marcherions dans nos ruelles plus à coté.

Ainsi, je ne sais pas si c'est à mettre sur le compte du crédit. Ou même au manque d'intérêt pour son prochain de l'individu. Mais ce soir je me confonds à souhait. Rien de plus vrai, rien de plus plausible. Presqu'une déception, et si féminité très ancrée il y a, elle laissait sur place la grande majrorité de toutes les bourgeoises croisées à cette occasion. Rien n'appelait à une explosion des zones érogènes, rien ne me ressemblait donc... Mais déçue de si peu de regards pour me signifier ce que je m'efforce d'être. Même les deux anges desquels je ne verrai que le derrière, ont fait le choix de m'ignorer comme pour renoncer à une anomalie qui n'en serait pas une. De toute façon à la première remarque du duo d'extravertis, je leur aurais signifié que la légende voulait que leur sexe soit tout autant imprécis.

Le service est sans reproches. Tout comme l'endroit. Pascal me dira avoir été ravi de me voir si enjouée, et le temps passa très vite attendu que nos conversations nous passionnaient comme toujours. Même si je décalais ma curiosité par moment pour observer les comportements, il faut dire que la soirée file très rapidement, et plus que se prendre au jeu nous finissons par oublier cette image trompeuse pour nous concentrer sur nos mots.

Une fois la note honorée, je me lève posant mon manteau sur mon avant bras et tenant mon sac au bout de cette même main. Une fois passée l'entrée de la véranda, Pascal me dira que se retournant pour m'ouvrir la porte beaucoup dressaient les yeux à notre passage. Il jetait ainsi un dernier regard sur l'intérieur avant que nous nous effaçions de ce lieu; et à son large sourire je comprenais que bien évidemment l'intérêt avait du se réveiller à voir mes fesses se mouvoir dans cette jupe crayon moulante. Il faut dire qu'elle avait aussi la particularité de m'obliger à rouler du derrière pour me déplacer sur deux talons si hauts perchés.

Sur le trottoir, pareille à l'entendre me décrire ces réactions tardives, je lui explique avoir vu une fille réagir lorsque je me suis levée de la banquette, et à l'instant où je passais devant sa table avoir fait exprès de balayer le paysage pour tomber sur elle. Elle avait ainsi donné le mot à sa copine, et se sentant démasquées par mon regard les deux baissaient alors les yeux de façon grossière et malhabile. Le mérite leur revenait d'avoir au moins vu autre chose que mes formes.

Le plus honnêtement du monde, je dirais que l'exercice fut des plus simplistes. Rien d'extraordinaire. Un classique parmi tant d'autres; une scéance de cinéma bondée déjà testée s'avère même un challenge plus excitant. Une fois de plus j'ai aimé m'abandonner au milieu de la foule, une foule ici civilisée. Mais comme je le dis souvent à Pascal, le meilleur reste à venir.

Ainsi la réelle information n'est pas du tout là où nous pensions la trouver en lançant l'objectif à fin 2016. Cette opération m'a surtout permis de tester un maquillage, ou une façon de me préparer. Et de ce fait, une soirée de huit heures sans avoir à repasser devant le miroir de poche. Essentiel donc pour la suite. Nos suites.

Après un bref Mac Do il y a un an à Noêl, nous avions franchi une nouvelle étape. Le choix d'aller manger en ville était définitivement acquis et envisageable. Je savais, comme toujours, y faire face sans nul doute à l'avenir. Le terrain maintenant connu, deviendrait très vite notre quotidien.

Et une fois de plus, notre aventure.

Premier restaurant.
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N
Magnifiquement racontée cette soirée, j'aurai aimé être perdue dans cette salle, que je connais d'ailleurs. Quelle belle étape franchie toutes mes félicitations à vous deux<br /> Amicalement
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